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Identité et relationnalité de la personne atteinte de handicap mental sévère
Prof. M» Victoria Roqué
Universitat Internacional de Catalunya
Notre réflexion part du besoin de disposer de fondements anthropologiques nous permettant, à partir de lexpérience éthique, de découvrir, de montrer, doffrir et de vivre le message de la dignité de tout être humain (1). De nos jours, les termes vie, individu, identité humaine, nature, personne, être humain, dignité, sont les termes que lon emploie le plus dans le discours éthique présent dans tous les débats biomédicaux. Ce sont les concepts clés de lanthropologie qui réclament un engagement intellectuel, une réflexion sur la situation dans laquelle ils sont appliqués afin déclaircir les attitudes et les comportements qui fréquemment sont dévastateurs pour lhomme même.
Affirmer la centralité de la personne et établir ensuite la légitimité de celle-ci ou de toute autre pratique est indispensable pour une intervention appropriée de réhabilitation ou thérapeutique; la primauté de la pratique sur dautres considérations anthropologiques fondamentales porte fréquemment, notamment dans le domaine clinique et en présence de situation critiques, dures, difficiles ou simplement différentes, à une reformulation des principes éthiques selon leur propre théorie. Dans la littérature, notre idée pourrait être exprimée par les paroles de Goethe: Si nous prenons les hommes tels quils sont, nous les rendrons pires de ce quils sont. En revanche, si nous les traitons comme sils étaient ce quils devraient être nous les conduirons là o ils doivent être conduits, mais quarrive-t-il si nous ne les traitons même pas comme ils sont, mais en moins de ce quils sont ?
1. Les anthropologies des minorités
Pour faire face aux problèmes de la vie il faut dévoiler la personne dans sa profondeur. Une société, une culture qui se fondent sur le trinme - production, consommation, efficacité - est inévitablement amenée à évaluer les personnes non pour ce quelles sont mais pour ce quelles produisent ou ont. Cest la tyrannie des plus forts qui semparent de ce qui est le plus avantageux pour la société : selon cette vision tout est permis à ceux qui veulent le meilleur, et les handicapés sont mis de cté.
Lêtre humain est complexe dans sa structure, il possède un déséquilibre constitutif, ontologique qui rend difficile sa compréhension totale. Les diverses explications, certaines même contraires, qui ont été données tout au long de lhistoire de lhumanité ne font quattester la problématique interne de lhomme. (2)
Dans la culture contemporaine, une fragmentation sest produite entre les dimensions cognitives, volitives et affectives de lhomme. Notre vie sécoule toujours plus dans le terrain de la raison instrumentale, cest une raison dautorité, elle nest pas intéressée à savoir mais plutt à ce quelle peut faire, cest une raison despotique, qui calcule et ordonne. La volonté se trouve alors face à deux décisions : ou bien suivre la raison instrumentale qui ne cherche que des résultats, ou bien seconder laffectivité, réduite à pur sentimentalisme. Dans les deux cas, la voie est ouverte à un comportement déshumanisé.
Lhomme devient insensible à la réalité, il ne connaît que ce quil fait, ce qui est intéressant cest la certitude et la sécurité assurée par la mesure de ce qui est objectif, rien nest laissé à limprovisation de la nature, on veut attraper tous les fils dans la main, lattention est tournée vers les procédures, les règles et les méthodes de mesure du savoir. Do son incapacité à découvrir les nouveautés significatives qui lui sont présentées dans la vie, do son attention limitée à ce quil peut vérifier ou confirmer par lui même et ses difficultés à trouver sa propre identité; voilà ce qui explique peut-être certaines pathologies contemporaines. (3)
Ces approches, entre autres, donnent lieu à un des multiples paradoxes contemporains : face aux grandes déclarations internationales pour les droits de lhomme on y trouve aussi lalternative de sélectionner les êtres humains. (4) Dans cette même ligne, nous avons actuellement les thèses avancées par différentes conceptions anthropologiques (5) qui ont en commun une vision réductionniste de lhomme, à savoir : lidentification de la personne par rapport à ses actes, ou définir personne comme une autoconscience rationnelle; distinguer entre personne en tant quagent rationnel et lêtre humain en tant que membre de lespèce humaine, ou penser, que le fait dêtre personne est quelque chose qui sacquiert, comme une valeur ajoutée, au fait dêtre humain. Mais seulement certains y parviennent et dautres perdent cette condition, elles cessent dêtre personne pour descendre au niveau dêtre humain ou - comme dit Rachels - à des êtres qui, bien que vivants, nont pas de vie. (6) Leffort théorique et conceptuel fait par ces anthropologies de minorités consiste à refuser la distinction entre les propriétés exclusives et essentielles de lêtre humain et ce qui fonde lêtre humain.
Nous les appelons ainsi - anthropologies de minorités - de par leur caractère élitiste et arbitrairement discriminatoire, parce que dans la pratique elles défendent les triomphateurs, ce qui sont forts, sains, doués intellectuellement et que là il ny a pas de place ni pour les faibles, ni pour ceux qui sont le plus dans le besoin, ni pour les improductifs. À la base de leur énoncé on y trouve la thèse que lhumanité présente différentes catégories ou classes dêtres humains : la classe A, dont la vie est digne dêtre vécue, ce sont celles qui ont le status de personnes et les classes B, C, DÉ dont la vie séloigne progressivement de la condition de personnes, et qui peuvent par conséquent être soumises à expérimentation, elles peuvent être manipulées ou éliminées car elles ne sont que des êtres humains.
Dans notre civilisation, la santé est devenue une idole pour laquelle on est disposé à tout sacrifier, même sa propre vie. Nous nous trouvons face à une culture qui possède les moyens scientifiques et techniques les plus développés pour être utiles à la vie mais qui les utilise aussi comme instruments contre la vie. Des vies humaines sont employées comme matériel de laboratoire, des vies considérées excédent humain, des vies qui ne sont pas à la hauteur pour être admises dans la société ou y vivre parce quelles ont perdu certaines ou plusieurs habilités qui distinguent lhomme des autres animaux et qui sont donc dépourvues de valeur en soi.
Mis à part ces énoncés, il en existe dautres qui, fondés sur la structure de lêtre personnel, contribuent à démontrer la valeur inconditionnée de chaque vie humaine (7) ou ce qui revient au même, à la dignité ontologique de tout être humain.
2. Lidentité et la relationnalité en tant quéléments clés de la personne
Arrivés à ce point, nous proposons deux concepts qui sont à notre avis essentiels: lidentité humaine et la relationnalité, pour articuler et établir une confrontation appropriée et détaillée des personnes plus faibles, comme cest le cas des handicapés psychiques. La considération que la vie humaine est précieuse, parce quelle est le point de départ dautres valeurs, est entièrement vraie; toutefois, cette explication est insuffisante dans dautres situations telles que la démence, le handicap physique, la vieillesse, etc., car elles pourraient être considérées un épilogue et ne plus être précieuses en raison de leur perte de valeur ou, une fois ces personnes nées, constater quelles manquent de cette valeur de par leurs handicaps. La vie humaine est toujours précieuse car elle est source ou origine de lactivité qui montre que la personne a une valeur en soi et pour soi.
2.1. Lidentité humaine
Dans le domaine de la psychologie clinique et neuropsychiatrique, le moi empirique est primordial parce que la maladie et lidentité y sont impliquées. La médecine connaît toujours plus les lieux et les modes des processus cérébraux qui correspondent aux usages de lintelligence et de la volonté. On sait par exemple que certains mouvements neurophysiologiques sont une condition de la possibilité du monde cognitif intellectuel et du monde volitif mais aussi des sensations de conscience dun moi que les vit. Si une partie du cerveau liée à certaines fonctions du système nerveux est supprimée ou tombe malade, les fonctions de la conscience correspondantes ne se réalisent pas et si lon corrige certains accès tout change dans la façon dagir de lhomme. Prenons par exemple le syndrome de Korsakov : les patients ne sont pas en mesure de posséder leur propre biographie intérieure, de conserver une narration interne, dont la continuité et le sens sont notre vie; ce sont des personnes qui nont aucun sens - parce quelles lont perdu - de leur propre profondeur, elles sont incapables de reconnaître leur moi, ce qui leur appartient, ce qui définit en quelque sorte leur identité. Il en est de même dans le cas de la maladie dAlzheimer qui conduit à la mort cognitive, affective et sociale du patient. Comme dira Oliver Sacks ce sont des malades qui nont pas seulement une ou plusieurs facultés endommagées mais la citadelle même du moi, lâme même. (8) Il sagit de lancien et actuel problème entre esprit et cerveau.
Le cerceau est lorgane terminal des sens internes et externes, ce dont nous avons besoin pour penser et vouloir, pour vivre mais ce nest pas notre vie. Celui qui connaît notre vie, celui qui fait lexpérience de la vie cest moi.
Comment expliquer alors la conscience du moi dans le cas de certaines pathologies comme celles que nous avons citées plus haut ?
Pour tout être humain, le fait dêtre un homme signifie être un sujet, être une personne, être moi et être soi même (9), sans que ces termes soient identiques; en outre, le moi ou lidentité peuvent être considérés selon différents points de vue qui ne sont pas univoques :
- Le moi ponctuel comme sujet ultime de tous les actes (10), et équivalent à la notion de personne avancée par Boecio en tant que substance de nature rationnelle, la personne est identifiée à un être vivant qui appartient à une nature précise, elle a un caractère ontologique et non pas simplement phénoménologique: moi, jai toujours été moi ne dépend pas de la raison ou de la conscience, la notion de personne fait appel à tout être humain vivant ayant une nature rationnelle. Lhomme ne doit rien faire pour garder lidentité individuelle, à ce niveau-là elle lui est assurée, elle lui vient avec lêtre.
Ni même la perte de conscience du propre moi, ni limpossibilité dautogouvernement ni même lincapacité dautodétermination sous-entendent que la personne nait plus sa réalité à elle, (11) cest-à-dire quelle soit sa propre, unique et exclusive possession, cest son acte dêtre qui la rend personne, être moi et non un autre moi ou autre chose, lidentification de quelquun suffit même si sa capacité opérationnelle est ensuite plus ou moins grande.
- Le moi sur le plan existentiel : le sujet doit réaliser existentiellement sa propre identité, il y a en lui une indétermination, ce quAristote appelle dynamis, puissance ou pouvoir, et qui lui appartient comme au vivant lui appartient le temps quil va vivre. Cette indétermination se produit sur plusieurs plans : sur le plan biologique, socioculturel, psychologique et existentiel (biographique). (12) Cette position est suivie par la vieille philosophie existentielle (Kierkegaard, Heidegger et Sartre) bien quavec dautres nuances et avec un certain réductionnisme.
Le respect absolu qui est d à tout homme se trouve dans son être ou - pour employer les paroles de Peter Geach - dans sa rationalité radicale : là se trouve la différence de lhomme par rapport aux animaux. Lerreur initiale, tel quindiqué ci-dessus et comme nous le montre le philosophe Anthony Kenny, est de confondre les habilités caractéristiques avec le pouvoir dacquérir des pouvoirs qui donne lieu à celles-ci.
Si lon ne peut pas expérimenter, maltraiter, laisser mourir ou refuser les handicapés mentaux cest parce que leur être personnel ne le permet pas, cet être quils possèdent de façon inaliénable depuis le début de leur existence jusquà leur mort. Et leur justification ne se trouve pas dans les structures solidaires et charitables de la société, de linstitution de soins ou des parents. Leur pouvoir dacquérir des pouvoirs peut être entravé par des facteurs physiologiques innés ou par une maladie progressive qui leur provoque des dommages cérébraux irréparables, pour linstant; mais il ny a aucune raison de conclure leur absence ou de nier leur présence chez tous types dêtres humains. En outre, tout autre critère chez lhomme prétendant de laffirmer comme personne octroie forcément aux plus forts lautorité sur les plus faibles. Fonder la réalité de lêtre humain sur lautonomie, sur la capacité de langage, sur lautoconscience, ou rendre absolu le rendement de ses facultés est, en définitive, un autre mode de racisme ou de sélection.
Il faut comprendre lêtre humain en tant que personne et dans son fondement bien réel, ou alors il ne sera pas compris et toutes les raisons et les arguments que lon prétend avancer pour le protéger seront toujours insuffisantes.
2.2 La relationnalité chez la personne
a) La capacité de participer dans la vie et dans lêtre des autres constitue une des structures essentielles de la personne. À la naissance même de lêtre humain apparaissent les autres. Lhomme est un être indépendant et à la fois dépendant, il a une existence séparée des autres êtres mais il ne peut avoir et conserver son existence quen fonction et par rapport à eux. (13) Lêtre humain ne vit pas avec dautres hommes mais plutt il existe avec dautres hommes, il co-existe, il ne peut pas être le seul, exister signifie être en présence dun autre différent selon mon être. Lexistence humaine est essentiellement coexistence.
Parce quil est personne, lhomme a besoin de la rencontre avec le toi : cest un être essentiellement dialogant. En quelque sorte, on peut affirmer que le moi se constitue à travers le toi. La nature humaine ne peut pas se développer sans la cohabitation avec dautres êtres humains, et le moi humain est créé pour le toi. Aristote nous dit celui qui ne peut pas vivre en communauté, ou qui na besoin de rien en raison de son autosuffisance, nest pas membre de la ville mais une bête ou un dieu. (14)
Le toi est toujours - tout comme le moi - quelquun, le toi aide le moi dans sa pleine autoaffirmation, mais cette relation nannule pas la subjectivité, bien au contraire, elle la confirme et la développe. La personne arrive à se reconnaître elle-même en tant que telle dans la relation avec les autres personnes. (15)
Le caractère relationnel est inscrit dans lêtre personnel et est à la fois une tâche. Sil nexistait personne pour nous reconnaître, nous écouter et nous accepter en dialogue, la vie de lhomme serait un échec, perdue dans son horizon vital, elle resterait dans la solitude la plus complète. Sil nexistait pas un toi pour raconter et partager les événements vécus par moi, ces événements nauraient pratiquement aucun sens parce quil manquerait le point de référence du dialogue: lautre moi qui donne un contenu et un sens à mon existence.
On parvient à la plénitude de la relation lorsquelle est réciproque, lorsque deux personnes deviennent mutuellement moi et toi et expérimentent ainsi leur relation. Lhomme exprime, dans cette relation, la vérité de son être, cest-à-dire dans ses structures dautogouvernement, dautopossession, et dans la tendance à lautoréalisation. La responsabilité réciproque de personnes est une autre caractéristique fondamentale de la relation.
b) Notre brève analyse sur la relationnalité de la personne a pour but de mettre en cause si la personne atteinte de handicap grave possède cet élément constitutif et, en cas affirmatif, sil se manifeste et sous quelle forme.
Nous devons forcément revenir à ce que nous avons énoncé plus haut : la relationnalité nest pas un accident chez la personne, cest une dimension ontologique radicalement constitutive et par conséquent toutes les personnes la possède. Quelle soit connue - ou comprise - est bien différent ou quelle arrive à se manifester dans toute sa plénitude, parce que la maladie la cache, ou la rend opaque, mais elle est latente et dune certaine façon nous pouvons la ressentir à travers la corporalité quexprime, dans son propre langage, la personne malade. Elle établit une relation tout à fait particulière avec les autres moi, avec le monde, avec les choses.
En allant au-delà, nous pensons quà travers la relation - entendue du point de vue anthropologique outre aux traitements pharmacologiques et aux thérapies psychologiques - il est possible daccéder à lintérieur de lhomme: dans son intimité, dans son esprit ou mismidad (lui-mêmeté selon Zubiri) qui, par définition, sont hors de portée de la maladie mais qui la rendent plus douloureuse et incompréhensible de par sa proximité à ce qui est spirituel. Chaque personne cache un paysage intérieur qui est pour nous inaccessible. Il y a bien dautres choses que ce qui est révélé. La personne ne peut pas être découverte par la biologie ou par la psychologie, il faut un autre niveau de connaissance qui se trouve au-delà de linaccessible et qui nest pas saisissable par les mots : en capter la totalité implique accepter quil y a une partie de mystère : la personne est ineffabilis.
Cela est fondamental dans notre labeur en tant que professionnels : philosophes, psychiatres, biologistes, théologiens, psychologues, juristes, médecins, etc. Il faut établir des relations aux niveaux les plus profonds, là o se trouve lessence du caractère humain, lacte personnel et pénétrer, en quelque sorte, dans le noyau le plus profond de la personne gravement endommagée.
Nous disions aussi que la relationnalité doit avoir un caractère de réciprocité et de responsabilité mutuelle et demblée cela peut sembler ne pas être le cas avec ces malades. Aussi, nos considérations sont les suivantes.
En premier lieu, on remarque une inégalité radicale, un déséquilibre entre les parties : un moi qui nest pas autoconscient (ou lest très peu) -, et qui nest pas toujours en mesure de reconnaître un toi, avec un moi conscient ayant la capacité de faire face à lautre toi en le reconnaissant en tant que moi. En dautres mots, on a limpression que la relation qui nat dans ces cas est toujours unilatérale : lun apporte et lautre reçoit, lun est fort et lautre faible, lun est sain et lautre malade, lun est conscient et lautre non, lun est la partie active et lautre la passive. Est-ce vraiment ainsi ? La personne, chaque personne, nest-t-elle pas un être radicalement original qui sexprime toujours dune façon nouvelle et inattendue ? Pourquoi ne pas respecter et accueillir cette nouvelle relation qui se présente toujours comme une promesse pour ceux qui arrivent à découvrir la richesse et non pas seulement la carence chez le malade ?
En deuxième lieu, si la personne ne nat pas de la rencontre mais y agit, le malade nétablit-il pas aussi depuis sa place une relation avec lautre moi ? Il serait plus correct de penser quil a une modalité dexistence différente - non pas seulement biologique et psychologique - avec des registres de vécus intimes quil nous faut découvrir. (16) Le moi - du malade - demande une relation spéciale avec le toi, il faut conjuguer un nous dune manière différente.
Les personnes saffectionnent directement les unes aux autres et la manière la plus profondément personnelle davoir de laffection cest par lamour. Cest lamour qui peut percer et pénétrer dans le mystère de la personne. Le fait de reconnaître lautre, notamment les plus faibles et nécessitants, nous renvoie à reconnatre en nous notre propre être et dans la mesure où nous sommes capables de le percevoir se produit en nous une croissance de lhumanité. Notre condition personnelle se réaffirme parce que nous avons accepté le défi de vivre et dagir en profondeur en tant que personnes.
La difficulté du cté de lhomme sain - ou voire limpossibilité - de reconnatre son semblable, le malade grave, en tant quautre moi démontre clairement une crise de la propre identité personnelle. Cest le symptôme du plus grand mal chez lhomme car cest le mépris de lêtre humain et lon risque de tomber dans une relation comme celle qui en ressort des paroles de Camus: Nous nous regardons et nous ne nous voyons pas, nous sommes proches et nous ne pouvons pas nous rapprocher. En revanche, le soin et la protection de ceux qui sont dans le besoin nous rend plus forts et sages.
En guise de conclusion nous indiquons ci-après quelques idées qui nous semblent peuvent constituer liter pour pénétrer à lintérieur de lhomme malade :
1. Les handicapés sont de grands matres de lhumanité. Ils amplifient la dignité humaine : ils nous renseignent sur la valeur en soi de lêtre humain qui va au-delà des catégories ou des propriétés spécifiques de tout homme.
2. Le monde a besoin des plus faibles, des personnes différentes car elles sont principes de possibilité damour, elles sont - comme dira Von Balthasar - le coeur du monde. Elles rendent propices les comportements vitaux pour le développement de la société. À savoir :
· principes de correction: ils permettent de corriger et de démasquer les déviations de lhomme égoste, ils font réagir face à lindifférence et réveillent une conscience solidaire.
· principes déquilibre de nos tâches spirituelles. Ils sont somme le ple négatif qui induit et exige la présence dun ple positif. Ils ont une incidence directe sur notre perfection personnelle.
· principes de renforcement ou générateurs de richesse spirituelle. Ils visent le noyau authentique de la générosité et du dévouement désintéressé: solidarité, confiance, sacrifice, abnégation.
3. Lapparente sans raison de leur vie pose le souci de lexistence dune autre dimension plus radicale et définitive chez lhomme: louverture dun au-delà qui transcende et désintègre ses limites et sa vulnérabilité. Quand bien même la démence me poserait devant les yeux le masque du bouffon, je pourrais encore sauver mon âme : si mon amour de Dieu triomphe en moi Kierkegaard. (17)
NOTES
(1) cfr. Tadeus Styczen Revelar la persona, dans El primado de la persona en la moral contemporánea, XVII Simposium de Théologie, Université de Navarre 1997, p.589
(2) Lhomme moderne - dit D. Innerarity - cherche désespérément des causes externes pour expliquer les carences de sa propre condition; son extraversion tente de compenser une indigence constitutive quil ne veut pas reconnatre D. INNERARITY, Dialéctica de la modernidad, Rialp, Madrid, 1990, p.
(3) cfr. D. INNERARITY, o.c. p. 14-20; 237.
(4) Nous trouvons un des premiers précédents de cette position chez Karl Binding et Alfred Hoche dans leur livre, publié en 1920, qui a pour titre Le droit de supprimer les vies qui ne méritent pas dêtre vécues.
(5) Pour citer quelques auteurs, tels que Peter Singer, Priscilla Cohn, T. Regan, D. Dennet, Enghelgart, H.KhuseÉ
(6) cfr. J. RACHELS, La fine della vita. La moralità delleutanasia. Torino: Sonda, 1989, (ed. orig. The End Life. Euthanasia and Morality New York: Oxford University Press).
(7) Auteurs contemporains issus de différentes écoles et pensées philosophiques tels que R. Spaemann, E. Sgreccia, E. Anscombe, R. Lw, C. Diamond, A.Millán Puelles, etc.
(8) cfr. Oliver SACKS, El hombre que confundi a su mujer con un sombrero Muchnik Ed., Barcelona 1987, p. 148-150
(9) J.Vicente ARREGUI, Filosof’a del hombre, Rialp, Madrid 1993, p. 432
(10) On peut aussi le définir comme le substrat ultime métaphysique, comme lhypothèse individuelle Vid. J.Vicente ARREGUI o.c., p. 435
(11) Xavier ZUBIRI, La personne comme forme de réalité: personéité, Sobre el hombre, Alianza Editorial, Madrid, 1986, p. 111
(12) cfr. J.Vicente ARREGUI, o.c. p. 434
(13) cfr. R.ALVIRA La razn de ser hombre, Rialp, Madrid, 1998, p. 122-123
(14) Ville est ici employée dans le sens de société. Aristote, Pol 1253 à 27 vid. R. Yepes, Fundamentos de Antropolog’a, EUNSA, Pamplona 1996.
(15) Plusieurs auteurs tiennent ces considérations : E. Levinás, M. Buber, E. Mounier, etc.
(16) cfr. Viktor E. FRANKL, Psicoanálisis y existencialismo, Fondo de Cultura Económica, México 1980, p.60
(17) Cité par Viktor E. FRANCK dans La idea psicolgica del hombre, Rialp, Madrid 1979, p. 113
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